Pour la justice, le trajet professionnel peut être considéré comme du temps de travail

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Durant ses nombreux trajets, le salarié devait être à disposition de son supérieur hiérarchique et exercer ses fonctions à l'aide de son téléphone professionnel en kit main libre.
Durant ses nombreux trajets, le salarié devait être à disposition de son supérieur hiérarchique et exercer ses fonctions à l'aide de son téléphone professionnel en kit main libre.Alfons Photographer / stock.adobe.com

La Cour de cassation a tranché. C'est la première fois que les magistrats font évoluer la jurisprudence sur le sujet, s'alignant ainsi sur le droit de l'Union européenne.

Le temps de trajet d'un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile doit-il être pris en compte pour le paiement de son salaire ? C'est la question posée à la Cour de cassation. Dans un arrêt daté du 23 novembre 2022, la plus haute instance judiciaire a tranché : le temps passé en voiture est bien considéré comme du temps de travail effectif.

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Cette décision inédite pourrait faire jurisprudence pour les salariés itinérants, déboutés de leur demande devant la justice. Car c'est un revirement majeur de la part des magistrats : les tribunaux français se sont toujours refusés à s'aligner sur la position de la Cour de justice de l'Union européenne en la matière en se basant sur l'article L.3121-4 du code de travail. Celui-ci stipule que «le temps de travail de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.» S'il est dépassé, une contrepartie (repos ou compensation financière) doit néanmoins être prévue.

140.000 euros d'indemnités pour le salarié

Dans les faits, il s'agissait d'un salarié commercial itinérant qui se rendait chez ses clients grâce à une voiture fournie par son employeur. Durant ses nombreux trajets, le salarié devait être à disposition de son supérieur hiérarchique et exercer ses fonctions à l'aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Ce travailleur a donc requis le paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle.

Dans cette affaire, écrit la Cour, «le salarié n'avait pas de lieu de travail habituel et son employeur lui demandait d'intervenir avec un véhicule de la société dans le cadre d'un parcours de visites programmé sur un secteur géographique très étendu.» Au cours de ces allers retours chez ses clients il ne pouvait pas vaquer à ses occupations personnelles mais devait se conformer aux demandes de disponibilités de son employeur. En outre, il était contraint de répondre au téléphone aux clients ou aux techniciens de l'entreprise. Les juges ont donc comptabilisé la durée passée dans son véhicule comme du temps de travail.

La condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires a donc été confirmée par la Cour qui a statué sur la somme de 140 000 euros d'indemnités et en dommages et intérêts pour licenciement abusif.

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